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Fatime Zahra Morjani
—Amina Benbouchta

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—FR

 

Nous discutons souvent Fatime Zahra Morjani et moi ; de longues discussions animées où nous partageons nos visions sur la création. Nos avis divergent parfois mais nous tombons toujours d’accord, dans l’effervescence des discussions, sur le rôle de « voyant » de l’artiste, une image un peu floue où communient pêle-mêle divers sentiments et discours, sentinelles d’un monde idéal dans lequel l’artiste sert de véhicule aux inconscients de chacun et perdure en tant que chaman lumineux qui prendrait sur lui toutes nos parts d’ombre pour les transfigurer.

Cet être à part, à la lisière du monde sauvage et du nôtre, passeur entre les deux, vêtus d’un pardessus idéal, à la fois peintre et poète.  

 

Fatime Zahra Morjani marche dans les traces magnétiques de la lignée de femmes guérisseuses de sa famille, ses grands-mères mi-sorcières mi-voyantes, dont elle a hérité le don et qui la guident dans les chemins. Elle cueille les plantes qui lui serviront dans son travail, d’une démarche d’herboriste elle devient alchimiste et transfigure en peinture et installation l’âme de la germination, de l’éclosion et de la résistance. Un art qui soigne ? Toujours porteur d’une mémoire et d’une histoire. Et toujours porteur de guérison et d’espoir.

 

« La révolution de l’œil s’est faite en plein air, au contact de la nature »*

Le végétal de nos cœurs, le paysage de nos rêves, l’œuvre de Fatime Zahra Morjani remet en scène la nature comme source inépuisable d’inspiration, dans la lignée des peintres et des écrivains, des bucoliques de Virgile à Thoreau, de Barbizon au primitivisme occidental, et rappelle aussi l’urgence à préserver aujourd’hui nos écosystèmes.

Dans ce travail, s’inscrit également une volonté classificatoire, mais aussi une recherche d’hybridation de l’humain et du végétal.

L’exposition est le lieu du visuel mais aussi de l’émotion et du sensoriel.

L’odeur des plantes, dans une grande installation qui les met au devant de la scène. Le parfum de l’ivresse des souvenirs d’enfants, ravive en nous le témoignage de ce sauvage qui perdure en nous, qui lutte et qui résiste.

Fatime Zahra Morjani nous livre les traces, les empreintes de ce monde voisin, elle délivre un rituel qui en consacre l’imprégnation au fond de nous, elle en dégage les entrailles et le squelette, met a jour la délicate dentelle et les nervures du cactus, le tissus intérieur et secret de la feuille de palmier, le secret enfoui dans la graine fermée.

Il y a, comme une cicatrice aussi, les longues tiges en relief sur la toile, forêts des souvenirs, et le geste-catharsis qui fera toujours éclore.

 

Amina Benbouchta, 2020

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* « Au bois de mon cœur », texte de Noëlle Chabert dans « Le rêveur de la forêt », Musée Zadkine, 2019, Paris musée.       

—EN

Fatime Zahra Morjani and I often delve into long, lively discussions where we share our conceptions of creation. Our opinions diverge sometimes, but we ultimately agree on the role of the artist as a "seer," a somewhat blurry mental imagery where various feelings and speeches are jumbled together, sentinels of an ideal world. The artist serves as a vehicle for the unconscious of each one, and persists as a luminous shaman, who would take upon himself all our shadows only to transfigure them. The seer lives in the margins, a passer-by between the wild world and ours, dressed in an overcoat of ideals, both painter and poet. 

 

Fatime Zahra Morjani walks in the magnetic footsteps of her family's line of female healers. She inherited this gift from her grandmothers, half witches and half visionaries, who guide her path. She first picks the plants that she uses in her work, borrowing a herbalist's approach before turning into an alchemist who transfigures  the soul of germination, hatching, and resistance into painting and installation. An art conceived as a healing gesture, always bearing memory, history, and hope.

 

"The revolution of the eye took place in the open air, in contact with nature."*

Imagining the plants of our hearts, the landscape of our dreams, the work of Fatime Zahra Morjani taps into nature as an inexhaustible source of inspiration. In the tradition of preceding painters and writers, from the pastoral Virgil to Thoreau, from Barbizon to Western primitivism, it reminds us of the urgency to preserve our ecosystem.

In her work, there is a desire to classify, but also a search for human and plant hybridization. In this exhibition, the visual allows room for the emotion and the sensory. Herbal scents are ubiquitous in a large installation that puts plants in the spotlight. The intoxicating smell revives our memories as children and provides a location to get attuned with the savage who still exists in us, struggles, and resists.

Fatime Zahra Morjani invites us to see the traces, the footprints of this neighboring world. She delivers a ritual that unearths them and reaches down deep inside us. She uncovers the entrails and the skeleton, revealing the delicate lace and the veins of the cactus, the palm leaf's inner and secret tissue, and the secret buried in the closed seed.

The long stems in relief on the canvas, like forests of memories, come to stand as a scar, a cathartic gesture that will hatch forever.

 

 

 

 

 

 

 

Amina Benbouchta, 2020

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* Translated from "Au bois de mon cœur", text by Noëlle Chabert in "Le rêveur de la forêt", Musée Zadkine, 2019, Paris Musée.    

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